Vision ou rêve ?

Tout à l'heure, à la table à cartes, j'étais en train d'étudier ma trajectoire et d'analyser les vents (enfin, ceux de dehors...).
J'ai donc mis la tête en dehors du cockpit afin de respirer un peu d'air frais, pur et sain de ces contrées balayées par des courants d'air tout aussi changeants que violents.
Force 2 à 3 pour le vent, pas de soleil, une visibilité de 2 à 3 milles, et un horizon voilé par une brume grise... Voilà qui m'annonçait une fin de journée tristounette.
Or donc, j'avais le nez au vent, le bateau allait petit train tribord amure, au largue, lorsque j'ai cru distinguer la silhouette de "quelque chose" dans le sud ouest du bateau.
Je filai dare dare chercher ma paire de jumelle, et quel ne fut pas mon étonnement de constater qu'il s'agissait d'un autre voilier se rapprochant de moi, tribord amure lui aussi, au près serré.
Bon, me dis-je en mon fort intérieur, voila un peu de visite.
Je serrais donc un peu le frein à main dans le but de laisser venir à moi le nouveau, pour faire une petite causette rapide.
Ca ne fait pas de mal d'avoir quelqu'un à qui parler. Ça m'évitera de parler à mon rat...
Le voilier s'approchait rapidement, et je le voyais maintenant distinctement à l'œil nu.
Il était 17h30 et le jour allait commencer à baisser. Ce voilier, visiblement, ne m'avait pas repéré car il se dirigeait droit sur moi.
J'attendais donc le contact. Pavillon Français, coque blanche, foc blanc.
Il se rapprochait de plus en plus et je voyais nettement le pont et le dos du skipper qui regardait au Sud, adossé au mat.
Je m'aperçus alors que vraiment il ne m'avait pas vu, et qu'il fonçait droit devant, prêt à me couper en deux ! !
Fichtre, il n'était plus qu'à une dizaine de mètres à tribord, et je courus prendre la corne de brume pour lui en mettre un bon coup dans les oreilles afin d'attirer son attention.
3 coups déchirèrent l'espace, et je vis mon bonhomme, enfin alerté, se lever d'un bon pour passer à bâbord.
Et alors, quelle ne fut pas ma surprise de voir de mes yeux éberlués que le skipper était... une femme !
Très jolie d'ailleurs, des yeux d'un vert maritime profond et une silhouette fort agréable.
"Vous m'avez peur, j'ai cru que c'était une baleine hurleuse! Excusez moi, je ne vous avais pas vu !"
Moi: "Pas de problème, j'allais manœuvrer, pour éviter un nouveau Titanic..."
"Merci bien. Où allez-vous ?"
"Heu, ben comme vous je pense"
"Ah oui, vous faites aussi la régate virtuelle ?"
"Oui, bien sur, et je suis même assez bien placé d'ailleurs. 160 000 ème environ..., et vous ?"
"Et bien, j'étais 159 999ème, et je vais passer 160 000ème, environ dans les cinq minutes qui suivent"
C'est malin...
"C'est quoi votre petit nom ?" me dit-elle.
J'ai un nom de bateau ridicule et je me suis mis à chercher à toute vitesse quelque chose de plus sympa...
"Moi, c'est Pencoat 64, et toi ?" Ça y, on se tutoie maintenant...
"Moi c'est Martine44. Désolé, j'ai 20 ans de moins, presque" dit-elle en riant..., "Alors, à bientôt, à l'arrivée. Je t'attendrais et tu me payeras une bière"
Oui, d'accord, pétasse...
"Oui, d'accord, on fait comme ça. Alors bon vent !"
"Tchao, et si tu veux, après tu pourras....."
Mais elle était déjà loin devant et je n'ai pas entendu la fin de sa phrase.
C'est peut-être mieux...
Et je suis reparti régler mes voiles et étudier le vent, jusqu'à la prochaine rencontre...
"Tiens le rat, t'es où, qu'on cause cinq minutes. Tu fais quoi ce soir ?